Photos de Jean Janssis, Tom Lucas et Marc Wilwert
L’exposition Insight présente les approches du portrait de trois photographes, Jean Janssis, Tom Lucas et Marc Wilwert.
Jean Janssis, philologue de formation, professeur de sémiologie et de photographie, à l’Ecole supérieure des Arts Saint-Luc à Liège, présente ici une sélection de portraits. À travers ses grands tirages très dense, des corps et des visages jaillissent. Jean Janssis utilise une technique ancienne, la gomme bichromatée, qui permet, par l’ajout de terres et de pigments de donner de la matière, d’opacifier la photographie, de l’estomper, de l’éclaircir. Le photographe peut ainsi travailler son image comme le ferait un peintre pour jouer avec le réel, s’en rapprocher ou s’en distancier. Les visages de ses portraits semblent sortir de l’obscurité, le regard tourné vers nous ou vers un autre. Les corps sont sublimés par les poses imposées aux modèles, les visages semblent proche d’une beauté absolue, juvénile, comme les grecs pouvaient se l’imaginer. Dans sa quête de la beauté absolue, Jean Janssis accepte et dévoile la douleur qui l’accompagne et l’obscurité qui l’entoure.
Tom Lucas et Marc Wilwert, tous deux élèves de Jean Janssis, nous propose une approche du portrait plus contemporaine et plus proche de la métaphotographie. Le portrait n’est plus ici réalisé dans un but de trouver la beauté absolue de l’être humain mais bien ce qui constitue le portrait photographique ; la question de l’identité du photographié et de sa relation au photographe.
Tom Lucas, dans son travail Wer bin ich – und wenn ja, wie viele ? , titre emprunté au best seller de Richard David Precht, nous questionne sur l’identité de l’être humain, question inhérente au portrait photographique. L’image nous renvoie vers nos propres questions ; qui suis-je ? Comment suis-je ? Combien suis-je ? Il nous entraîne plus loin dans cette réflexion, et interroge les racines même du portrait, ce qui le produit. Il a demandé à huit artistes de devenir la prolongation de lui-même et ainsi de retravailler son portrait photographique. Chacun a inventé ou ré-inventé sa propre relation avec la personne regardée et son image. Enfin, Tom Lucas interroge le spectateur sur l’essence du portrait photographique ; quelle est la place du semblant et de l’interprétation ? Combien le photographe peut-il produire de portraits différents d’une même personne ? Combien d’identités a cette personne ? À vous d’y répondre.
Marc Wilwert présente ici une installation presque minimaliste, Anges, constitué d’une photographie grand format, d’un livre-album et d’une phrase. Le portrait, volontairement frontal et épuré, invite le spectateur à l’interprétation de l’identité de la personne photographiée. Chaque détail sur le visage nous renvoit à une époque, à un groupe social ; peut-être reconnaîtrons-nous la personne sur le mur, peut-être pas. Ce portrait évoque la photographie dans sa capacité à interroger le visage, pour tenter de donner une représentation qui maintienne les différences entre les êtres, sans effacer la part commune. Ce portrait, devant moi, n’est pas moi mais pourrait l’être.
Il ressemble à un visage que l’on aurait croisé dans la rue, personne inconnue, qui nous donne à voir la nudité de sa face. La photographie l’arrache de l’anonymat et de la multitude de la foule, il arrête le regard.
Nous découvrons, en lisant l’album, qu’il a sauvé une vie, notre regard change….
Marc Wilwert interroge alors le spectateur sur l’influence d’informations extérieures sur l’identité de la personne photographiée ; en quoi les éléments extérieurs peuvent-ils changer notre interprétation ? Quelle est la place du photographe dans la réalité du regardé et du regardeur ?
« Un portrait ! Quoi de plus simple et de plus compliqué, de plus évident et de plus profond ? » Baudelaire
Un texte de Mylène Carrière
Photos de Jean Janssis (n°1), Tom Lucas (n°2) et Marc Wilwert (n°3)