Le Brass (Forest - Centre culturel) 364, avenue Van Volxem 1190 Bruxelles Belgique
Cette exposition dans le cadre d'« europalia.china » est la première présentation des portraits en couleur du photographe chinois WANG Gang en Europe: un travail sur les minorités Yi et tibétaine, réalisé depuis 2006 qui lui a valu déjà une large reconnaissance en Chine et dans le monde.
C'est aussi la première fois que Forest, Centre culturel - Le BRASS, inauguré il y a quelques mois dans une partie de l'ancien complexe brassicole Wielemans-Ceuppens juste à côté du Wiels, présente une exposition dans son impressionnante salle des machines.
Une rencontre forte s'annonce, entre un espace industriel patrimonial enfin réhabilité et l'oeuvre d'un photographe réunissant par son travail, sa réflexion et sa personnalité multiple, la richesse et la complexité de la Chine contemporaine.
Tour à tour businessman et photographe amateur, devenu aussitôt un professionnel reconnu internationalement, WANG Gang incarne la vitesse avec laquelle les choses changent en Chine. Le contraste du mode de vie des Yi et des Tibétains avec le sien, celui d'un entrepreneur en constant déplacement, vivant dans une région produisant pour la planète entière, explique son attirance pour ces deux peuples.
L'originalité de ses portraits ne réside cependant pas dans ce choix des Yi et des Tibétains. Nombreux sont, en effet, les photographes chinois à s'intéresser aux
ethnies minoritaires de leur pays, à les montrer avec leurs costumes traditionnels bien identifiables. L'approche ici est tout autre : WANG Gang refuse de montrer le caractère ethnique de ses modèles, de mettre en scène leur culture traditionnelle et leurs particularités physiques.
Il cherche même à brouiller les pistes pour faire réfléchir à la question identitaire en général. Ainsi certains visages font davantage penser à l'Amérique du Sud qu'à la Chine et à ses minorités. A chacun alors de s'interroger pour ouvrir un débat plus large que suspecté de prime abord : de fait, ces portraits hiératiques sont bien plus que de belles icônes.
Monologue intérieur d'un photographe au Pays des Yi
Je ne pense jamais à la philosophie quand je photographie. Mais les pensées se laissent imprimer sur le négatif sans se cacher.
Quand je regarde mon sujet à travers le viseur j'ai l'impression de découvrir mon vrai moi. Dès cet instant le sujet devient à mes yeux le prêtre dans le confessionnal, qui m'écoute attentivement qui me confesse et qui me pardonne. En tout cas tout le processus se déroule en douceur, sans accroc, libre de toute perturbation ou excitation.
C'est ainsi que je pris goût à la recherche du moi dans les photographies.
J'arrivais à sentir ma propre odeur dans les photos. Au moment où je presse le déclencheur nous partageons tous deux nos joies et nos peines.
J'aime photographier les enfants et les personnes âgées. Les enfants ont semble-t-il un avenir incertain, quoique dans certains endroits ils sont déjà voués à entamer la marche vers la fin de leur vie en solitaire. Leur destin n'est pas différent de celui de leurs malheureux aînés dans les photos ; c'est un parcours aussi pénible qui les attend.
Parfois on espère que ces enfants qui commencent à peine leur chemin, pourront sortir des sentiers battus et mener une vie nouvelle. A l'opposé, ce que nous voyons chez les vieux relève plus du passé que de l'avenir, un avenir qu'ils ne contemplent plus depuis longtemps. Comme leurs ancêtres leur but dans la vie c'est simplement de « vivre », en laissant le temps dévorer le reste de leurs jours sans aucune pitié. Dans cette contrée sauvage loin de tout, ils finiront par quitter ce monde au même endroit où ils sont nés. En attendant le reste de leurs vieux jours s'écoule lamentablement sur le sol jusqu'à mort n'advienne. Les feuilles mortes retournent à leurs racines.
Diane Arbus que je vénère mais qui s'est tuée jeune, me rappelle tout le temps qu'on doit faire face courageusement à une vie douloureuse et morne. Sur les hauts plateaux lorsque les Yi fixent leur regard sur mon objectif avec leur air de souffre-douleur, tous mes péchés originaux tels la faiblesse, l'avidité et la peur, sont exposés au grand jour.
WANG Gang
« Chez les Yi » – 2007